Le 25 février 2023
Il y a quelques années, le Ministère de l’Education Nationale a mis en place un indicateur pour évaluer le niveau social de chaque élève, en se basant sur l’activité de ses parents.
Cet indicateur s’appelle l’Indice de Position Sociale (IPS), et il est rendu public. Il permet de visualiser un effet assez marqué dans notre système éducatif…
Avant de plonger dans les cartes et les graphiques, regardons comment est calculé ce fameux “IPS”.
Cette grille permet d'identifier l'IPS d'un enfant en fonction des professions de ses parents (dans le cas de parents de sexe différent). Elle a été construite à partir d'une enquête statistique évaluant les facteurs de réussite dans 15000 familles : conditions matérielles, implication des parents, sorties culturelles... Il y a plus de 1500 combinaisons différentes de professions, et l'IPS peut varier entre 45 (Parents : Etudiant + Ouvrière non qualifiée) et 185 (Parents : Professeur + Ingénieure).
Remarquez que la grille n'est pas symétrique, car les statistiques montrent des réussites différentes lorsque les professions des parents sont inversées. Ainsi, un enfant dont la mère est enseignante et le père ouvrier qualifié a statistiquement plus de chances de réussir à l'école (IPS 149) que dans le cas inverse (IPS 124).
En théorie, il est discutable de résumer en un chiffre la situation sociale d’une personne, mais cela reste un indicateur très utile pour synthétiser et caractériser un groupe d’élèves.
Le Ministère connaît donc l’IPS de tous les enfants, et l’utilise pour associer à chaque établissement scolaire deux indicateurs importants :
Maintenant que tu connais ton IPS, tu as peut-être envie de connaître celui du collège de ton quartier ? Cela tombe bien, cette donnée agrégée est publique, et on en a fait une carte ci-dessous.
Cette carte représente les 32000 écoles et 7000 collèges de France (un point par établissement). La couleur de chaque point indique l'IPS : plus c'est rouge, plus l'IPS est bas, et les enfants sont défavorisés en moyenne. Plus c'est bleu, plus l'IPS est élevé, et les enfants sont favorisés. Continue de scroller, on t'emmène faire un tour !
Bienvenue dans le Nord (59). Ici on observe différents profils de répartition sociale dans les écoles. Par exemple, une longue bande rouge homogène recouvre tout l'ancien bassin minier (Lens, Hénin-Beaumont, Douai), très pauvre : tous les établissements y sont défavorisés. Au contraire, dans l'agglomération Lille-Roubaix, socialement hétérogène, on observe une coexistance de points bleus et rouges. Zoomons un peu.
La proximité entre des points rouges et bleus révèle des stratégies d'évitement scolaire : les familles aisées inscrivent leur enfant dans une école privée pour échapper au collège de secteur. Un exemple : à Roubaix, le collège privé Jeanne d'Arc (IPS 144) est situé à un quart d'heure à pied du collège public Baudelaire (IPS 79).
Dans le Grand Paris, on observe plusieurs territoires : le Nord de la capitale, ainsi que la Seine-Saint-Denis, très défavorisés, sont rouges. Quelques tâches bleues y surnagent, ce sont dans l'immense majorité des établissements privés.
L'Ouest de Paris, globalement très aisé, est intégralement bleu. L'évitement scolaire est moins visible mais existe néanmoins. Il résulte en des collèges publics assez favorisés, et des collèges privés extrêmement favorisés. Par exemple dans le 16ème arrondissement, le collège public Molière (IPS 117), et le collège privé Saint-Jean de Passy (IPS 151).
Enfin, faisons un saut à Mayotte. C'est le territoire français le plus pauvre, et cela se voit clairement dans les IPS.
On te laisse explorer ta région, avant de passer à la suite !
A travers quelques cas particuliers, on a donc visualisé la ségrégation scolaire, conséquence à la fois de la ségrégation spatiale et des stratégies d’évitement.
Mais ce n’étaient peut-être que des cas isolés : peut-on généraliser ? Mettons les écoles et collèges sur un autre graphique.
Ce graphique représente toutes les écoles et collèges de France, en fonction de leur IPS moyen (axe horizontal), mais aussi en fonction de leur mixité sociale (axe vertical). Cette mixité est calculée grâce à l'écart-type entre les élèves de chaque établissement. Les établissements publics sont en orange, et les privés en bleu.
On visualise la différence de distribution entre les établissements publics et privés. Ces derniers on le plus souvent un IPS supérieur à 110, et un niveau de mixité nettement inférieur aux collèges publics d'IPS similaire.
Dans le public, l'IPS moyen peut tomber extrêmement bas, avec des établissements n'accueillant que des élèves défavorisés. Les établissements qui contribuent le plus à la ségrégation scolaire apparaissent à l'extremité droite du graphique : on retrouve ceux que l'on avait identifiés sur les cartes.
Les stratégies d’évitement scolaire accentuent la ségrégation dans le système éducatif. Cela a pour conséquence la détérioration de l’apprentissage des élèves les plus défavorisés. En effet, elle concentre les élèves en difficulté et éloigne les professeurs expérimentés, qui préfèrent éviter cette ambiance de travail (Source : INSEE).
L’école telle qu’elle existe en France aujourd’hui ne garantit absolument pas l’égalité des chances. Pour s’en convaincre, il suffit de croiser les données d’IPS des collèges avec les statistiques de réussite au brevet.
Dans ce graphique, on a regroupé les collèges par tranche d'IPS. Pour chaque tranche, on représente le taux d'élèves en échec au brevet, ainsi que le taux d'admis (décliné selon la mention reçue).
Le constat est implacable : les élèves scolarisés dans un établissement d'IPS faible ont nettement moins de chances de réussir et décrocher une mention au brevet que les plus favorisés. Par exemple, un élève scolarisé dans un collège d'IPS inférieur à 89 aura moins de 10% de chances de décrocher une mention TB, contre plus de 30% dans un collège d'IPS supérieur à 150.