Le Fourmilier

LE FOURMILIER

Le 9 mars 2024

On a vu dans cet article qu’il y a une forte disparité entre les communes françaises sur la mise en conformité avec la loi SRU, qui vise à doter toutes les communes urbaines d’au moins 25% de logements sociaux.

Parmi les zones géographiques les plus réfractaires à l’effort collectif, une région en particulier se distingue…

Logements sociaux (2/2)

PACA : le mauvais élève

La promenade des Anglais à Nice

Une photo avec très peu de logements sociaux

Récapitulons quelques chiffres de l’article précédent avant de rentrer dans le sujet. En France :

  • 2157 communes sont soumises à la loi SRU, qui impose une proportion de 25% de logements sociaux
  • Parmi elles, 1030 ont été jugées déficitaires en 2020. Elles se sont alors vues attribuer des objectifs précis pour l’exercice 2020-2022
  • Parmi elles, 645 n’ont pas atteint ces objectifs de rattrapage.

Pour mieux situer la performance de la région PACA, la carte suivante vous propose un tour de France de l’application de la loi SRU.

Cette carte représente les 2157 communes soumises à la loi SRU. La couleur indique à quel point cette loi est respectée aujourd'hui.

Le Nord est particulièrement bon élève. La plupart des communes respectaient d'ailleurs déjà la loi SRU en 2020. C'est notamment le cas de Lille, Roubaix, Tourcoing, ainsi que des communes populaires situées sur l'ancien bassin minier comme Lens ou Douai.

Au Nord-Ouest également, les résultats sont bons. Les communes de Normandie, du littoral breton et des agglomérations rennaises et angevines sont en avance.

Les résultats sont moins glorieux dans les zones (aisées) de villégiature à l'embouchure de la Loire : La Turballe, La Baule-Escoublac, Pornichet.

Dans le Sud-Ouest, si l'agglomération toulousaine est plutôt performante, c'est plus mitigé vers Bordeaux, et assez mal parti dans le pays basque. De même que la Baule plus au nord, le bassin d'Arcachon est très en retard.

Faisons un saut à la Réunion, seul territoire d'outre-mer où s'applique réellement la loi SRU aujourd'hui. Ici, les communes sont soit exemptées car inconstructibles, soit en avance. Saint-Paul y est la seule ville de plus de 40.000 habitants à ne pas atteindre ses objectifs.

Enfin, ça se gâte quand on arrive sur le littoral méditerranéen. Il n'y a qu'autour d'Arles et de Nîmes que les résultats sont bons. Marseille et son agglomération sont très éloignées de leurs objectifs.

Le bonnet d'âne est décerné à la Côte d'Azur : Cannes, Antibes, et surtout Nice, sont très loin du compte.

Les maires de PACA ne font pas seulement peu d’efforts, ils sont souvent les plus farouches opposants à la loi SRU et font régulièrement pression auprès du gouvernement pour l’assouplir.

Beaucoup de place pour les résidences secondaires, mais pas pour les logements sociaux

Depuis février 2024, les critiques pleuvent. Christian Estrosi, maire de Nice, dénonce un “racket de l’État“. Ce serait même un “diktat soviétique” d’après Sébastien Leroy, maire de Mandelieu, qui estime sa commune inconstructible pour des logements sociaux.

Fin février 2024, la métropole d’Aix-Marseille a adopté une motion proposée par le maire de Mimet appelant à un assouplissement de la loi, et avançant des arguments d’inconstructibilité et de raréfaction du foncier.

Pourtant, plusieurs éléments vont à l’encontre de ces arguments.

Premièrement, la loi SRU n’applique pas de haut en bas une norme sclérosée. Une commission nationale SRU est chargée de se pencher sur les cas particuliers des communes retardataires. Plusieurs d’entre elles, jugées inconstructibles, ont pu être exemptées de leurs objectifs. Ce n’est pas le cas des communes déficitaires dont nous parlons.

De plus, on remarque une augmentation du nombre de résidences secondaires dans certaines de ces communes, ce qui témoigne du gisement disponible pour produire des logements utiles.

Intéressons-nous aux villes pour lesquelles la proportion de résidences secondaires est supérieure à la moyenne nationale (9,5%).

La plupart des villes de PACA ayant un fort taux de résidences secondaires atteignent à peine 20% de leur objectif de production de logements sociaux.
Certaines comme La Seyne-sur-Mer ont même perdu des logements sociaux. Parmi ces villes, seule La Ciotat atteint ses objectifs.

Et si on s'intéresse à celles qui ont plus de 35% de résidences secondaires aujourd'hui, ce nombre n'a cessé d'augmenter depuis l'adoption de la loi SRU il y a 20 ans.

Pour compléter le tableau, revenons sur la ville de Christian Estrosi. Cette carte montre en rouge les quartiers de Nice qui ont connu la plus forte hausse de résidences secondaires entre 2008 et 2020.

Surprise ! Ce sont les quartiers du Vieux-Nice et du Mont Boron, ultra déficitaires en logements sociaux comme on l'a vu dans l'article précedent, qui ont connu la plus forte augmentation. On passe dans certains quartiers à plus de 40% de résidences secondaires.

Avec environ 15% de résidences secondaires, Nice est de loin la métropole française où ce taux est le plus haut.

Pour en savoir plus sur le sujet des résidences secondaires en France, tu peux jeter un œil à cet article.

Des communes se déclarant "inconstructibles" tout en continuant à construire des zones d'habitation

Face à l’argument de l’inconstructibilité avancé par plusieurs communes, on peut également s’étonner des importantes surfaces artificialisées à des fins d’habitation sur les dernières années.

L’artificialisation des sols est un phénomène mesuré chaque année pour chaque commune (on en a fait un article complet ici). Mettons-le en regard de la création de logements sociaux.

Ce graphique affiche un point par commune déficitaire, et place chaque point en fonction de l'atteinte de l'objectif de logements sociaux, et du rythme d'artificialisation de terres à des fins de logement.

Pour la région PACA, on voit bien que de nombreuses communes qui n'atteignent pas leurs objectifs ont pourtant beaucoup artificialisé pour construire des surfaces d'habitation.
Mimet, dont le maire a déposé la motion contre la loi SRU, et qui a été systématiquement carencée depuis 2000, en est un exemple clé. On note également le cas d'Aix-en-Provence, la deuxième ville ayant, au total, artificialisé le plus de surfaces à des fins d'habitation en France sur la période, et qui est toujours loin de ses objectifs de logement social.

À titre de comparaison, beaucoup de communes du Grand Est et des Hauts de France ont atteint leurs objectifs SRU sans avoir eu besoin de beaucoup artificialiser. C'est également le cas en Île-de-France où le foncier rare oblige au renouvellement urbain.

Dernier cas : celui de la Bretagne. On voit ici que l'atteinte des objectifs s'accompagne souvent d'un fort taux d'artificialisation.

Il est donc étonnant d’entendre parler d’inconstructibilité ou de raréfaction de foncier pour justifier d’un retard dans la production de logements sociaux.

Par ailleurs on peut noter que, pour la plupart des villes de PACA que nous avons mentionnées, les maires récalcitrants sont en poste depuis longtemps, parfois même avant l’adoption de la loi SRU en 2000. On ne peut pas dire qu’ils ne savaient pas.

Il semble donc y avoir une mauvaise foi manifeste de la part de ces élus qui pour certains, selon l’ancienne ministre du logement Cécile Duflot, feraient leur campagne municipale sur la promesse de ne pas construire de logements sociaux (propos tenus dans l’émission C ce soir, le 1er février 2024). Le but étant d’éviter à tout prix la mixité sociale.

Malheureusement, comme nous l’avons décrit dans l’article précédent, le gouvernement semble plus enclin à récompenser qu’à sanctionner ces élus, aux dépens des nombreuses personnes demandeuses de logements sociaux.