Le Fourmilier

LE FOURMILIER

Le 30 décembre 2023

On a vu ici que la France artificialise l’équivalent d’un département tous les 12 ans. Cette consommation d’espaces est majoritairement liée à de l’habitat (65%), qui se concentre en bordure des métropoles et sur les littoraux. On va plonger un peu plus dans le sujet pour comprendre comment…

Arrêter de consommer de l'espace

village

Avec une population en augmentation, il est très difficile de stopper à 100% l’artificialisation du territoire. Si on ajoute les diverses problématiques locales (proposer du logement social, créer de l’emploi), on comprend pourquoi seules 2% des communes n’ont pas consommé d’espace depuis 2009.

Néanmoins, comme on l’a vu, le rythme actuel est sans commune mesure avec l’augmentation démographique, et ce pour plusieurs raisons :

Première raison : Presque 1 logement sur 5 est inoccupé en France. Ce sont pour moitié des logements vacants, et pour moitié des résidences secondaires, dont le nombre a explosé depuis le début des années 1980, on en a parlé ici.

Dans le même temps, les logements occupés (les autres 4 sur 5) abritent moins de personnes qu'avant car les évolutions de la société ont diminué la taille moyenne des ménages : plus de familles monoparentales avec l'augmentation des séparations, vie en couple plus tardive avec l'allongement des études, solitude des séniors avec l'allongement de l'espérance de vie

Résultat, si la population croît relativement faiblement, le nombre de ménages est lui en nette augmentation (de 20 à 30 millions) depuis les années 1980.

Chaque année, nous créons 350.000 nouveaux logements pour moins de 200.000 nouveaux habitants. La France est presque championne d’Europe de l’artificialisation, avec 500m² artificialisés par habitant (20% de plus qu’en Allemagne).

Comment réduire l'artificialisation ?

En réfléchissant avec une approche “Eviter, réduire, compenser”, on peut avoir le raisonnement suivant :

Eviter : Si on reprend les points évoqués juste au-dessus, on a déjà un gros levier d’action en réduisant le nombre de logements inoccupés (on explique comment dans cet article), qui sont une manne immense. Les autres points, liés à l’évolution des structures familiales, sont plus délicats à adresser : on peut imaginer des incitations plus volontaires à la colocation, l’accueil d’étudiants dans d’autres familles, l’habitat partagé…

Réduire : Lorsque l’on construit un nouveau lotissement, on doit systématiquement privilégier la réutilisation d’anciennes friches, ou densifier l’habitat urbain existant (“Construire la ville sur la ville”). Aujourd’hui, pour des raisons économiques, on préfère construire sur des surfaces “vierges”.

En dernier lieu, compenser : “Renaturer” des parcelles artificialisées.

Pour qu’une telle dynamique soit enclenchée, il faut une législation, et on commence à en avoir une à ce sujet…

Un premier texte : la loi Z.A.N

⚠️Paragraphe législatif peu drôle ⚠️

La loi “Zéro Artificialisation Nette”, votée en janvier 2023, ambitionne qu’à horizon 2050 chaque parcelle artificialisée soit compensée par une parcelle renaturée.

A court terme, il est demandé aux élus de revoir leurs plans d’urbanisme afin de diviser par deux d’ici 2030 le rythme d’artificialisation par rapport à la dynamique 2011-2021, étudiée dans l’article précédent.

C’est une forme de prolongation de la logique qui protège les parcs nationaux aujourd’hui.

 

Si cette loi va dans le bon sens, elle est décriée pour plusieurs bonnes raisons :

  1. Elle est trop binaire dans sa définition de “sol artificialisé”
    • Elle considère de la même manière un jardin avec piscine qu’un jardin avec potager (selon l’INSEE, 20% des ménages ont un potager). Or certains sols de jardins sont beaucoup plus accueillants pour la biodiversité qu’un champ agricole soumis à des pesticides.
    • Elle ne prend pas en compte le niveau de qualité des sols. Certains sols sont perméables et abritent de la vie, et d’autres sont déjà trop pollués et foutus. Alors autant privilégier la construction sur ces derniers et protéger à tout prix les zones humides qui abritent de la faune sauvage
    • La notion même de “artificialisé” est difficile à définir scientifiquement, et est sujette à débats permanents
  2. Sa logique “comptable” est décorrélée de la réalité locale :
    • certaines communes ont très peu artificialisé dans la période 2011-2021 et sont pénalisées par rapport à celles qui l’ont beaucoup fait.
    • Dans certains cas, la stricte application de la loi empêche la création d’entreprises locales, obligeant les habitants à faire beaucoup plus de déplacements pour aller travailler

Quoi qu’il en soit, toutes les communes doivent se retrousser les manches avec leur plan d’urbanisme, et elles pourront heureusement s’inspirer les unes des autres :

Ce graphique permet de visualiser simultanément la dynamique démographique et la dynamique d'artificialisation des territoires (cantons).

On constate que même avec une forte évolution démographique, certains territoires arrivent à contenir le niveau d'artificialisation.

A l'inverse, certains cantons, même en perdant des habitants, ou en en gagnant très peu, continuent à artificialiser massivement. Au total, près de 8000 communes perdent des habitants tout en consommant de l'espace.

Chaque territoire a ses spécificités propres, et les solutions diffèrent selon les cas. Il faudrait un livre pour toutes les détailler, et heureusement il y en a un dans la rubrique suivante, très récent, très accessible, et passionnant !

Pour aller plus loin